Train to Salvation est-il le meilleur album d’Eric McFadden ? Ou le plus beau ? Vu la qualité délirante de sa discographie (sans parler de ses prestations scéniques, comme en novembre 2009 au Café de la Danse – chro ici – et le 26 mars 2010 au même endroit), même son plus mauvais album mériterait chronique élogieuse.
Et donc, après un Let’s Die Together… Forever magnifique, une escapade avec EMT(Eric MCFadden Trio) sacrément burnée stoner sur Delicate Thing, le guitariste-chanteur-songwriter de la mort qui turlupine nous assène tout en douceur un opus d’une sensibilité bouleversante, où s’expriment les multiples styles du bonhomme (dont le style, donc, consiste à remuer rock, blues, folk et musique gitane dans un shaker on ne peut plus hot).
Peut-être moins sombre qu’à l’accoutumé, comme en témoigne l’ouverture sur That’s How I Know I’m Here, Eric McFadden livre là sa personnalité la plus lumineuse, ou la moins torturée, débouchant sur un Train to Salvation très homogène… jusqu’à cet irresistible et foldingo Edgar Allan Polka qui remet les clowns en piste. J’aimais déjà cet album avant d’en entendre la moitié en live. Désormais, je l’adore. On ne peut pas oublier une chanson comme Where is Ferdinand ? (à propos de la mort d’un jeune homme) et son refrain, sur lequel McFadden semble retenir sa voix (magnifique, à faire chialerTom Waits) pour ne pas en faire trop, et en redouble ainsi l’impact : Are you floatting in the ether ? Are you blowing in the wind ? Are you laughing in the cosmos, starting all over again ? (ici en vidéo avec simplement Eric McFadden, sa gratte et sa voix)
Train to Salvation est un album économe ou, plutôt, qui fuit le clinquant et les murs soniques pour s’attacher aux textures. Les arrangements riches, admirablement utilisés et jamais envahissants, l’accordéon en ami fidèle de petits matins et quelques violons judicieusement placés (il ne s’agit pas de venir faire pleurer Margot à coups de trémolos) soulignent peut-être comme jamais auparavant l’effarant talent de songwriter d’Eric McFadden.
Et cette voix, bordel !, cette voix que même un pacte avec le diable ne saurait rendre d’une aussi envoûtante beauté ténébreuse. Fans de Leonard Cohen qui peuplez la Terre par millions, écoutez donc Last Day of my Life et damnez-vous illico. Cela vous coûtera tout juste une dizaine d’euros et votre voeux le plus cher s’exaucera aussi souvent que vous le voudrez. Il vous suffira d’appuyer sur “play”. En cas d’overdose, injection de Fair Trade recommandée, jazzy et chaloupé, qui ferait remuer des coccyx jusqu’au père Lachaise.
A chaque nouvel album, à chaque concert, je m’énerve : que vais-je pouvoir encore écrire sur McFadden pour convaincre ceux qui ne le connaissent pas –non pas de l’aimer, car on ne peut forcer personne à aimer quoi que ce soit– d’y jeter une oreille ? Je rabâche, je le sais bien. Je ne veux pas tomber dans la dissection entomologiste des titres (c’est bon pour les amateurs déjà conquis). Là, voilà, je suis à court. Il ne me reste plus qu’une chose à faire : vous proposer un jeu. Essayez de trouver une (je dis bien “une”, même pas deux ou trois) chronique sur Internet (ou ailleurs…) qui descende un disque de McFadden. Et ensuite, tirez-en vous-même les conclusions.
1. That’s How I Know I’m Here
2. Last Day Of My Life
3. Stealing From The Dead
4. Drive
5. All Those Tomorrows
6. Fair Trade
7. Percival
8. Ramblin’ Man
9. Where Is Ferdinand ?
10. Killing Time
11. Edgar Allen Polka
12. Shine Down
13. Train To Salvation